Résumé de l'article

Philippe Blondel, Quelle jurisprudence pour la nouvelle loi sur les signes religieux ?
Le port de signes et/ou de tenues manifestant notamment une appartenance reli-gieuse des élèves dans les écoles de la République a été source depuis 1989 d’inter-rogations fortes. La révolution d’Iran a notamment été à l’origine d’expressions de plus en plus oste-n-sibles par les collégiens et lycéens de convictions, d’engagements. Le débat ayant été très médiatisé, relayé par des commissions qui remirent rapports et conclusions, finalement une loi est apparue nécessaire ; c’est la loi du 15 mars 2004. Manifestement, elle a voulu mar-quer une certaine rupture avec la doctrine nuancée du Conseil d’État, marquée par son avis du 27 novembre 1989 et confortée par une série d’arrêts s’inscrivant dans sa ligne. Cependant, la loi nouvelle pourra-t-elle régler nombre de comportements préoccupants ? Certes, les débats permirent de vivifier le principe de laïcité à l’école, principe revisité et enrichi. Un équilibre reste à trouver entre ce principe et la liberté de conscience et les devoirs d’éducation qui pèsent sur parents et/ou représentants des élèves. Mais qu’entendre par « signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ? Cet « ostensible-ment » augure des débats et qu’entendre par « appartenance religieuse » ? Là aussi, d’épineuses questions peuvent se poser car jusqu’à ce jour, ni le Conseil d’État, ni la Cour européenne des droits de l’homme n’ont pris position sur la no-tion complexe de religion. Et puis, il y a le repentir actif du législateur, le dialogue voulu, jus-qu’où, entre qui et qui, et en cas d’échec, qu’en est-il du devenir de l’élève, là aussi, pèse sur l’État une obligation de moyen de reclassement, si l’on peut s’exprimer ainsi. Bref, les questions restent nombreuses, la loi telle que promulguée déplacera des débats qui perdureront. Il appartiendra demain aux juridictions administratives notamment de trancher les difficultés qui ne manqueront pas de poindre, la responsabilité des chefs d’établissements restant encore lourde malgré ce qu’ils espéraient d’une loi de clarification devant avoir pour objet une meil-leure sécurité et prévisibilité juridique.

Mots-clef : 15 mars 2004, Conseil d'État, liberté de conscience
t. 48, 2004 : p.197-219