Résumé de l'article

Roger D. Masters, Machiavel, Léonard de Vinci et l'émergence de la modernité
Les chercheurs disputent depuis longtemps pour savoir si Machiavel est le "premier moderne", le chef de file du "républicanisme classique" ou un penseur laïc dans une perspective médiévale ou pré-moderne. Les rapports personnels entre Léonard de Vinci et Machiavel, dont les théoriciens politiques sont généralement inconscients, permettent de mieux comprendre le rôle de Machiavel dans la transition vers la modernité. La conception vincinienne d'une science de la nature et les possibilités qu'elle ouvrait aux innovations technologiques ont représenté un grand pas dans le passage de la philosophie antique ou médiévale à la science naturelle moderne. Après avoir été l'ingénieur militaire de Ludovic Sforza (1483-1500) puis de César Borgia (1502-1503), Vinci est rentré à Florence en 1503. Machiavel, qui l'avait apparemment rencontré en 1502, s'est assuré son aide technique pour diriger le cours de l'Arno afin de vaincre Pise , l'auteur du Prince semble aussi être lié à la commande du tableau de la Bataille d'Anghiari et il s'est arrangé pour que Vinci dirige une mission technique à Piombino en 1504. Les textes prouvent que Machiavel a été nettement influencé par ces expériences, ce qui suggère une réponse plausible aux controverses sur la "modernité" de Machiavel. La différence entre les approches des mathématiques et de la physique par Vinci puis par Galilée ou Newton illustre particulièrement bien les étapes ultérieurement nécessaires pour le développement complet d'une approche moderne de la politique comme celle de Hobbes ou Locke dans la tradition anglo-saxonne, ou de Descartes et des "philosophes" sur le continent.

Mots-clef : Machiavel, Vinci, modernité
t. 41, 1997 : p. 413-443