Résumé de l'article

David Fonseca, La métaphysique des constitutionnalistes Analyse généalogique du discours doctrinal sur la crise de la loi
Selon la vulgate des constitutionnalistes, la description de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la loi est décisive. Elle aurait, selon la doctrine même, permis de mettre en place un discours authentiquement scientifique, la doctrine disposant désormais d’un objet à décrire. Les concepts de démocratie, de liberté, de sécurité, etc., ne seraient plus désormais prescriptif, puisqu’ils seraient subsumés sous la jurisprudence du Conseil constitu-tionnel. À partir de l’analyse du discours professoral sur le contrôle de la loi, notamment sur ses qualités (accessibilité, intelligibilité, normativité, etc.), on peut montrer comment ce dis-cours est repris dans ce qu’il prétend en réalité subvertir : il est surdéterminé par des préoc-cupations ontologiques. De sorte que la systématicité de la métaphysique y est plus puissante que ce qui prétend la détruire ou lui échapper. Pour le dire sommairement, à travers la théma-tique de la crise des qualités de la loi, le professeur semble énoncer une problématique de la « chute » qui semble bien avoir pour horizon nostalgique une nature de la loi. Or, le thème de la crise de la loi, l’idée de la dégradation de la loi, est en effet une idée naturaliste par excel-lence. S’il y a dégradation dans le discours doctrinal, c’est qu’il y a véritablement « quelque chose » qui se dégrade, et ce « quelque chose », quel que soit son mode de désignation, quelle que soit la volonté de la doctrine de s’en prémunir en le rejetant, est, nécessairement nature puisqu’une relation de dégradation relie alors directement la loi à ce qui est son état actuel, c’est-à-dire la nature de la loi corrompue. Que ce « quelque chose » relève de postulations philosophiques, il reste qu’il constitue l’un des noyaux durs, incontournable, de toute approche de la loi dans la doctrine constitutionnaliste. À moins de la réduire à un recueil d’opinions, à des échelles d’attitudes, l’objet de cette étude, du fait même de son objet totale-ment surdéterminé par cette ontologie, ne peut pas ne pas se questionner sur les présupposés métajuridiques, disons le mot : proprement ontologiques du discours doctrinal sur la loi, qui finissent par ruiner les prétentions à la scientificité de la doctrine.

Mots-clef : doctrine constitutionnaliste - discours scientifique - crise de la loi - rhétorique - métaphysique
t. 54, 2011 : p. 309-372