Résumé de l'article

Virginie Lefebvre Dutilleul, Les normes éthiques
Malgré leur diversité apparente, les normes éthiques issues par les entreprises (codes de bonne conduite, chartes de développement durable et chartes éthiques) traitent de thèmes relativement harmonisés, qui évoluent en fonction des risques perçus. Cette pratique, venue du monde anglo-saxon, est désormais bien partagée par les entreprises cotées européennes, de grande ou taille moyenne. La tendance est d’ailleurs à la standardisation, illustrée notamment par la mise en place de la norme ISO 26000 en matière de RSE et le projet de normes ISO en matière d’anti-corruption.Le développement des normes éthiques, répondant aux demandes des parties prenantes dans un contexte international complexe, pose en effet la question fondamentale de la finalité de l’entreprise et de la gestion des conflits d’intérêts entre objectifs éthiques et but lucratif.
Ces normes éthiques ont été développées en réponse à un enjeu majeur – préserver l’actif désormais le plus important des entreprises, à savoir sa réputation – et deux types de textes. Les premiers incitent à la mise en place de telles normes dans le cadre de programmes de conformité, afin de bénéficier de sanctions moindres en cas de violation. Toutefois, les textes plus récents en la matière vont plus loin et sanctionnent désormais le défaut de programme efficace. Le second type de textes oblige l’entreprise, non pas à faire, mais à communiquer sur ce qu’elle fait en matière de RSE sur le mode du comply or explain, visant ainsi à encourager les comportements vertueux. Ici aussi, la tendance est au renforcement, illustré par le développement des obligations de transparence qui s’imposent désormais aux entreprises de certains secteurs.
La question de l’opposabilité de ces normes qui constituent la soft law est classique. Les réponses se sont clarifiées au fur et à mesure que les documents éthiques gagnaient en substance et juridicité. Dès lors que ces normes sont publiées, par exemple sur le site internet de l’entreprise, elles produisent des effets juridiques. C’est ainsi qu’en droit français, la procédure de modification du règlement intérieur doit être suivie afin de rendre ces normes opposables aux salariés. Par ailleurs, certaines conditions doivent être remplies afin de pouvoir entrer dans le champ de la déclaration simplifiée des alertes éthiques, tel que défini par la CNIL. Les dirigeants pourraient de leur côté voir leur responsabilité engagée par leurs actionnaires en cas de communication d’informations erronées sur les sujets éthiques. Enfin, la requalification d’une telle communication en pratiques commerciales trompeuses est désormais posée aux juges français, une enquête ayant été récemment ouverte sur ce fondement.


Mots-clef : Alerte professionnelle, chartes de développement durable, chartes éthiques, CNIL,
t. 56, 2013 : p. 269-293