Résumé de l'article

Marie Goupy, La théorie de l’état d’exception de Carl Schmitt : réaction et solution à la crise de la pensée libérale de l’ordre
Cet article part du constat de l’usage de plus en plus généralisé et banalisé de la notion d’état d’exception et plus largement du schème de l’exceptionnalité dans le champ politique à l’époque contemporaine. À l’encontre des approches anhistoriques ou métaphysiques, qui voient dans l’état d’exception une notion politique relativement intemporelle qui serait le corrélat de tout ordre juridico-politique, cet article soutient au contraire que concept le d’état d’exception, sous sa forme spécifiquement contemporaine, émerge en Allemagne, dans le contexte de l’entre-deux guerres, marqué sans doute par une situation de profonde instabilité politique et de crises à répétition, mais également par un mouvement de profonde défiance, voire d’animosité, à l’égard du parlementarisme et, plus généralement, du libéralisme. Sa première formulation, que l’on doit d’abord à Carl Schmitt, peut être d’abord comprise selon nous comme une réaction à l’égard de l’ordre politico-juridique libéral et de la forme de générale de pensée rationaliste qui en constitue l’assise. Mais nous soutiendrons ensuite que la théorie schmittienne de l’état d’exception formule de manière ambivalente aussi une solution aux crises dans l’ordre libéral, qui sont aussi des crises de l’ordre libéral, et qui consiste à faire des situations de crise le moment spécifique et limité de l’agir politique.

Mots-clef : Carl Schmitt, libéralisme
t. 58, 2015 : p. 355-371