Résumé de l'article

Catherine Bourgain, Agir sur les gènes est-ce suffisant ?
La génétique est une science qui s’est constituée pour l’action, et dont la légitimité s’est largement construite par l’action, dans des contextes appliqués. Chez l’Homme, l’utilité de ce savoir pour l’action fait pourtant de la résistance. Les projets de modification directe de l’ADN par thérapie génétique se révèlent complexes à maîtriser en dehors de quelques situations particulières. Si la quantifi- cation a priori de l’effet des gènes sur un caractère humain est impossible, une mesure – l’héritabilité – sème le trouble. Développée par les scientifiques eugénistes, elle est le plus souvent utilisée à tort pour justifier de l’importance des gènes. Elle contribue en outre à diffuser l’idée que les effets biologiques héritables et les effets d’environnement agissent de façon indépendante, simplement cumulative, alors même que tous les résultats de recherches en biologie montrent le contraire. De fait, les identifications actuelles de variants génétiques associés aux caractères complexes chez l’Homme, reposent sur un modèle statistique incarnant cette même idée. Leurs difficultés à prédire les traits morphologiques ou les mala- dies complexes reflètent largement cette réduction excessive de complexité. Dans ces conditions, non seulement, agir SUR les gènes ne saurait être une stratégie pouvant être qualifiée de « suffisante », mais la possibilité d’agir AVEC les gènes est elle-même extrêmement fragilisée et doit être regardée au cas par cas, avec le souci de conduire des évaluations coûts/bénéfices rigoureuses, tenant compte des nombreuses externalités sociales de la génétique.

Mots-clef : Fisher thérapie génétique
t. 59, 2017: p. 39-52