Résumé de l'article

Claudine Junien, Plaidoyer pour la prévention
Les approches pour lutter contre le fléau des maladies chroniques qui augmentent dans le monde entier se révèlent infructueuses et très coûteuses. Il est maintenant possible de corriger les chiffres alarmants et d’envisager une prévention efficace en adoptant le nouveau paradigme des Origines du Développement de la Santé et des Maladies (DOHaD), à condition d’intervenir très tôt en agissant sur le risque et non lorsque la maladie est déjà apparue. Ce concept est largement reconnu grâce à des études épidémiologiques et des études animales. Les influences des facteurs environnementaux – nutrition, stress, psycho-affectifs, toxiques, bactériens et physiques – sur les processus épigénétiques représentent une révolution. En effet, les DMR modifications épigénétiques conservent la mémoire des impacts de facteurs environnementaux auxquels un individu est soumis tout au long de sa vie. Une période cruciale est le développement précoce, pré et postnatal, les 1000 jours ; cruciale parce que l’épigénome est particulièrement sensible aux effets de l’environnement, et aussi parce que l’individu construit son capital santé pour répondre plus ou moins bien aux aléas de la vie. En outre, l’existence de mécanismes non génétiques et non culturels capables de transférer la mémoire des expériences/expositions à des facteurs environnementaux parentaux et qui conditionnent la réactivité des générations suivantes à différents environnements au cours de leur vie suscite un intérêt grandissant. L’idée selon laquelle des marques épigénétiques non effacées lors des phases de reprogrammation est actuellement très en vogue, voire considérée à tort comme acquise malgré la rareté des exemples probants. Cependant, des questions fondamentales subsistent quant à la nature, aux rôles et à l’impact des marques et des mécanismes épigénétiques, des ARN non codants ou d’autres mécanismes et à leur persistance au cours des générations. Un modèle intégrant ces différents systèmes, leurs interactions avec l’environnement et les fenêtres de développement de la sensibilité selon le sexe du parent et de l’enfant reste à construire. Sur la base de la malléabilité des mécanismes épigénétiques sous-jacents, la réversibilité des marques environnementales ouvre de nouvelles perspectives. Cependant, comment les facteurs conférant une susceptibilité accrue ou une résilience vis-à-vis du développement des maladies agissent et influencent les mécanismes épigénétiques reste à élucider. Si la mémoire des expériences/expositions à des facteurs environnemen-taux est effectivement transmissible, le principal défi pour l’individu, et surtout pour les pouvoirs publics, est d’être en mesure d’éviter ceux qui posent des risques pour la descendance. Ces données peuvent déplacer le curseur des responsabilités en matière de soins de santé, de la sphère privée à la sphère socio-géographico-politique.

Mots-clef : prévention environnement génétique
t. 59, 2017: p. 53+65