Résumé de l'article

Olivier Ruchet, Le pluralisme et les incertitudes de la culture : La justification des politiques de reconnaissance dans l’œuvre de Will Kymlicka
Cet article présente les travaux du philosophe canadien Will Kymlicka, et ses thèses sur la protection et la promotion des minorités. Kymlicka établit un lien étroit entre la culture et l'autonomie des individus, et affirme que les principes de justice en cours au sein des démocraties libérales exigent l'octroi aux minorités nationales de certains droits et privilèges, dont l'autodétermination. L'article procède à une analyse critique des présupposés épistémologiques de ce schéma, et montre que les principales dichotomies analytiques sur les-quelles il repose, entre minorités nationales et communautés immigrées, et entre restrictions internes et externes, sont empiriquement infondées ou logiquement invalides. Si les demandes présentées au nom des minorités ne sont pas nécessairement illégitimes, elles ne constituent pas des enjeux de justice, mais relèvent de préférences, et doivent de ce fait être gouvernées par des débats politiques et non éthiques. L'article évalue ensuite les possibles conséquences d'une mise en œuvre de droits étendus d'autogouvernement en faveur des minorités. Une telle mise en œuvre semble négliger les relations de pouvoir internes aux groupes, et calquer le fonctionnement des politiques de reconnaissance sur les relations internationales entre Etats souverains. En tant que telle, elle ne peut être défendue au nom du libéralisme, et consti-tue une forme de renoncement de la théorie politique à embrasser le pluralisme. De plus, l'inscription administrative des identités qu'elle prévoit peut être la source de sérieuses limites à l'autonomie individuelle. L'article conclut avec une présentation d'approches différentes des identités et du pluralisme, qui évitent ces écueils et refusent ce renoncement à la politique.

Mots-clef : Kymlicka, minorité, culture, autonomie, reconnaissance, identité
t. 49 : 2005, p. 213-234