Résumé de l'article

Jacques Chevallier, L'obligation en droit public
La question de l'obligation constitue un excellent fil conducteur pour faire ressortir la logique de structuration et la dynamique d'évolution du droit public. Le droit public a été bâti à partir d'un principe fondamental d'unilatéralité et de non-réciprocité du rapport d'obligation : l'État souverain est posé comme la source et le foyer d'obligation pour les administrés , s'il est lui-même sujet d'obligation, ce n'est que dans les conditions et les termes que lui-même fixe, ce qui suffit à exclure toute idée de transposition du rapport d'obligation de droit privé, dans lequel l'État n'intervient que comme tiers ou garant dans une relation fondamentalement à base de réciprocité. Aussi le concept d'obligation est-il d'usage peu courant en droit public. Cependant, l'État est une réalité dynamique et évolutive : déjà sa construction comme sujet de droit, à travers la théorie de la personnalité morale, et la promotion du thème du service public avaient permis, au début du siècle, de faire ressortir la dialectique de relations qui est au principe même de l'institution étatique et qu'avaient déjà mise en évidence les théories du contrat social , le reflux actuel de la conception absolutiste de la souveraineté pousse à l'avènement de rapports plus équilibrés entre l'État et les citoyens, par l'atténuation des aspects les plus dérogatoires du régime administratif, en favorisant du même coup la transposition des principes généraux de la théorie des obligations. Ce mouvement de rapprochement avec le droit privé rencontre cependant une limite : à savoir le fait qu'ici l'État n'est pas seulement tiers et garant mais encore partie au rapport d'obligation , aussi toute assimilation pure et simple est-elle exclue, comme le montre d'ailleurs l'existence de règles spéciales applicables à la puissance publique dans les pays qui n'ont pas à proprement parler de droit administratif.

Mots-clef : obligation, droit public, unilatéralité, état, souveraineté, administration
t. 44, 2000 : p. 179-194