Résumé de l'article

Laurent Fonbaustier, Réflexions critiques sur un principe à texture ouverte : l'égalité devant l'impôt
1. En raison d'un paradoxe, apparent seulement, tenant aux conditions historiques et philosophiques de la naissance du principe d'égalité devant l'impôt ainsi qu'aux facteurs complexes (économiques, sociaux, culturels) qui en ont orienté l'évolution, le principe d'égalité fiscale réelle implique une politique d'égalité par l'impôt qui elle-même engendre l'inégalité devant l'impôt. Cette inégalité impose qu'on substitue au terme d'égalité devant l'impôt celui, actuellement plus pertinent, de non-discrimination (injustifiée) devant l'impôt. L'étude, sceptique, pose la question, devant l'étendue et la variété des discriminations permettant d'aménager ou d'affecter le principe d'égalité devant l'impôt, d'un horizon d'objectivité, de la part du juge ou du législateur, dans la détermination des critères susceptibles de fonder les inégalités en droit. Le contrôle jurisprudentiel sur les discriminations législatives en matière fiscale ne réalise-t-il pas une simple substitution organique dans l'appréciation des catégories de contribuables, sans nécessaire garantie de justice ? Au-delà des rapports entre institutions, l'égalité devant l'impôt et les discriminations qu'elle supporte repose l'inactuelle et éternelle question de la texture ouverte du droit, et de son incapacité à refléter l'infinie variété des situations de fait. 2. À la différence d'autres déclinaisons du principe d'égalité, le principe d'égalité devant l'impôt fut immédiatement appréhendé comme pouvant s'accompagner, pour son exacte mise en œuvre, de traitements différenciés et de positives (I). Celles-ci ont un fondement textuel aussi ancien que le principe d'égalité devant les charges publiques lui-même, et supposent également une démarche philosophique légitimante (A). Ce double socle a permis l'ouverture d'aménagements variés, admis par la jurisprudence, à l'égalité devant l'impôt (B). La question de leurs limites (II) se pose néanmoins, sur deux plans : la menace d'un arbitraire du législateur fiscal ou de l'administration est enrayée par le juge qui encadre les atteintes à l'égalité stricte (A), limitation qui fait alors surgir une question plus structurelle : celle de l'interprétation du principe par le juge et plus généralement du décalage entre la justice fiscale idéale et sa mise en œuvre par le droit (B).

Mots-clef : égalité, texture ouverte, discrimination, arbitraire
t. 46, 2002 : p. 79-102