Résumé de l'article

Marie-Anne Frison-Roche, Volonté et obligation
Parce qu'il pose l'homme libre, le droit a placé la volonté de celui-ci comme source de l'obligation auquel il est soumis. Le droit français est particulièrement marqué par ce lien de l'obligation à la volonté, oubliant souvent l'obligation comme objet. Mais le droit a aussi limité le pouvoir de la volonté, qui ne peut s'exprimer purement sans risquer la démesure, et ne lui permet en principe de créer l'obligation que par la rencontre avec une autre volonté, d'où naît le contrat. Ce lien entre volonté et obligation n'est pas remis en cause par l'évolution qui consiste à médiatiser leur rapport, par l'intermédiaire de la situation que la volonté a constituée ou dans laquelle elle se meut, comme sur un marché par exemple. La contestation de leur lien est plus radicale lorsqu'on estime que la volonté est à la seule mesure de l'intérêt de celui qui s'engage. C'est alors l'obligation qui est niée car la norme à laquelle on a intérêt, on l'exécute sans qu'il soit besoin qu'on y soit obligé. L'obligation serait inutile à l'agent tel que la théorie économique ou la théorie des jeux le décrit. Mais il peut être de l'intérêt de l'agent de s'extraire de la variation de son intérêt : c'est alors l'obligation juridique qui, par le jeu de sa volonté, sera seule à même de servir cet intérêt. Nouveau signe que l'économie ne peut rien sans le droit.

Mots-clef : volonté, obligation, norme, économie
t. 44, 2000 : p. 129-151